20170925 Séquestration Médico-Administrative de 15 mois en 1994-1995 : nouvelle tentative de rappel de mes demandes de diagnostic, de justifications, de certificats médicaux *circonstanciés*, et de réponses à mes questions.

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LRAR de 3 pages (0,017 kg) N° RR023674819BR envoyée le 25/09/2017 au bureau de poste ‘Copacabana AC’ à Rio de Janeiro (Brésil)


Séquestration Médico-Administrative de 15 mois en 1994-1995 : nouvelle tentative de rappel de mes demandes de diagnostic, de justifications, de certificats médicaux *circonstanciés*, et de réponses à mes questions.

 

Le 25/09/2017

 

Monsieur le Directeur de ***

 

Avant toute chose, je voudrais parer tout de suite au réflexe habituel de ***, consistant à me dire – dans de rares réponses – « nous vous avons déjà transmis tout ce que nous avions », ce qui s’est avéré inexact plus d’une fois récemment ; sans compter le fait que je demande des explications et des réponses qu’il faut construire et que, visiblement, le « tout ce que vous avez » ne suffit pas, en l’état, pour me répondre décemment.

 

Je suis vraiment désolé de devoir, encore une fois, revenir vers votre établissement, mais malgré toutes ces années et malgré ma grande compréhension de l’autisme et – surtout – ma non moins grande compréhension des Troubles Non-Autistiques (sociaux) à l’origine de mes souffrances, je n’ai toujours pas réussi à trouver comment procéder pour obtenir enfin la justice et la sérénité auxquelles je crois avoir droit, dans l’affaire de séquestration médico-administrative arbitraire, erronée et abusive de ma personne dans votre hôpital en 1994-1995.

 

J’essaie de faire un effort pour imaginer à quel point cela est pénible pour les directeurs successifs de *** de devoir recevoir toutes ces lettres depuis plus de 20 ans, d’autant plus qu’ils ne sont pas directement responsables, mais simplement « complices » de l’impossibilité de refermer cette blessure, faute d’avoir obtenu justice, ou au moins un minimum de décence, comme par exemple des réponses à mes questions, et surtout un diagnostic médical (qui me semble tout de même légitimement exigible par une personne ayant perdu 15 mois de sa liberté, sans parler de tout le reste, comme l’infériorisation, et tout le stress post-traumatique – encore vivace à ce jour – de cette épreuve incroyable).

C’est pourquoi, par un effort de gentillesse (même injustifiée), je vais faire de mon mieux pour essayer, jusqu’à la fin de cette lettre, d’éviter d’abreuver d’insultes un établissement qui selon moi le mérite copieusement.

 

Je sais qu’il est tentant pour vous « d’évacuer le problème » en disant simplement que c’est de l’histoire ancienne. Mais les choses ne sont pas aussi simples, on ne peut pas effacer le passé juste en le décidant, on ne peut pas s’auto-exempter indéfiniment. Pour l’instant, je n’ai toujours pas réussi à trouver l’assistance qui me permettrait enfin de me défendre et d’obtenir justice, mais je continue à chercher, et il faudra bien que je trouve un jour. Ce jour-là, ceux qui auront fait des efforts pour ne pas trop m’opprimer, des efforts de compréhension, de bienveillance et de compassion[1], seront moins embarrassés que les autres.

 

Je suppose que vous êtes encore un nouveau directeur ; vous me pardonnerez de ne plus pouvoir m’intéresser aux noms des personnes officiant dans ce cadre au douloureux souvenir, et je crois utile de rappeler :

  1. Que vos collègues médecins ont commencé à me refuser à *** (votre accueil) en février 1994, en ignorant ma souffrance et mon désespoir évidents, et en allant même jusqu’à me faire évacuer par la gendarmerie[2] (si, si, c’est vrai), tout cela pour, une semaine plus tard, changer radicalement d’avis en décrétant que je devais absolument être enfermé et gardé pendant des mois, et chez vous[3] ;
  2. Qu’à aucun moment pendant ces quinze mois maudits je n’ai été violent ou dangereux (ou « fou » ou délirant, mais simplement inadapté aux capacités intellectuelles de mes geôliers), mais que cela n’a pas empêché les médecins d’invoquer une prétendue dangerosité[4] pour prolonger ma captivité mois après mois ;
  3. Qu’aucun de ces médecins ne semblait connaître ce que vous appelez le « syndrome d’Asperger » (dont j’ai la chance de bénéficier) ce qui, selon la « machine à logique » qu’ils me reprochaient, m’amène à une certaine perplexité quant à la validité de tout ce qu’ils ont pensé, dit et écrit à mon sujet[5] ;
  4. Que je n’ai toujours pas reçu de diagnostic, malgré plus de 22 ans de demandes insistantes, sur tous les tons que je connais[6] ;
  5. Que j’attends toujours les « certificats médicaux *circonstanciés* censés « justifier » tout ce désastre[7] ;
  6. Que (peut-être parce que je suis autiste, donc « déficient » selon les critères « normaux ») je ne peux me détacher d’une sorte de stupeur incrédule en constatant que lorsque des médecins sont incapables de me comprendre (ce qui apparaît parfois explicitement dans leurs écrits brouillons), au lieu de s’interroger honnêtement sur cette *incapacité* (ce qui est tout me même la première chose qui apparaît), ils en font automatiquement abstraction et décrètent, finalement, que parce qu’ils ne me comprennent pas, cela veut dire que MOI j’ai un problème psychique…
    Je suis vraiment navré et je ne voudrais pas offenser ; je n’ai pas fait beaucoup d’études, je ne suis pas grand-chose, c’est vrai, à côté des élites médicales honorant votre centre, mais pour moi – et pardon de le dire – quand quelqu’un ne comprend pas quelque chose, ce problème d’incapacité intellectuelle, c’est le sien, et non pas celui de la personne incomprise. Vous comprenez cela, n’est-ce pas ?[8]

 

Déjà trois pages, alors que je voulais vraiment faire court ; j’abrègerai donc en tentant de vous rassurer : votre hôpital m’a au moins guéri de ma naïve croyance en la possibilité d’aide et d’humanité en provenance des hôpitaux français (car vous n’êtes qu’un exemple de la triste généralité), et donc je ne reviendrai plus ennuyer vos confrères ni entraîner des coûts d’hospitalisation exorbitants pour la communauté. J’ai très très bien compris, en quinze mois, à quel point j’étais dans l’erreur en venant chercher secours et refuge (et même, humanité !) pour une souffrance psychique dans un hôpital public français.

 

D’ailleurs, si je me suis exilé, c’est aussi pour m’affranchir du risque toujours possible en France d’enfermement « à vie » selon le bon plaisir ou les croyances des fonctionnaires médicaux. Savoir qu’il y a neuf mille kilomètres entre mon corps et sa possible capture par des agents ignorants mais dotés du pouvoir de privation de liberté selon leur gré, cela m’aide beaucoup, j’ai l’impression d’être vraiment libre, de vivre enfin.

 

Et bien sûr, vu toutes les souffrances imposées aux autistes dans les hôpitaux français, il va de soi que je suis devenu un ardent apôtre de la « désinstitutionnalisation » et de la lutte contre les privations de liberté arbitraires par les hôpitaux.

En ce sens, mon séjour cauchemardesque dans vos services n’a pas été totalement dénué d’utilité puisqu’il m’a conféré une énergie inépuisable pour défendre autant que possible les autres autistes (et d’autres opprimés sociaux) contre ces abominations : soyez-en remercié, même si ce n’est pas agréable à lire.

 

Toujours dans l’attente de mon diagnostic médical, de réponses, de la moindre décence ou de la moindre humanité, je vous prie, Monsieur le Directeur de ***, de croire à l’assurance de ma considération désabusée et d’agréer l’absence de caractère injurieux ou « menaçant » de mes salutations.[9]

 

Eric LUCAS

(signature)

[1] Je suis désolé : je mesure à quel point ces mots sont déplacés voire ridicules dans le cadre de ***, mais ce sont des valeurs que j’utilise habituellement, et j’ai beaucoup de mal pour me mettre à la place de personnes qui, par leur fonction et/ou par leur personnalité, en sont dépourvues. Aucun « traitement » ne m’obligera à devenir ainsi : plutôt mourir…

[2] Ce qui atterre – à juste titre – tous les gens et organismes auxquels je raconte cela dans les pays que je visite, et même en France (Michelle Barzach, l’ancienne ministre de la santé, m’a conseillé – comme tant d’autres – d’écrire un livre).

[3] Pardon encore, mais je me demande si on ne pourrait pas être en droit de réfléchir par rapport à la fiabilité et au professionnalisme de ces gens… Après tout, l’erreur est humaine, non ? Je sais bien qu’on est à ***, où l’erreur semble proscrite, où les médecins paraissent dotés « par décret » d’une sorte d’infaillibilité quasi-divine face à des « patients » forcément souffrants, déficients, fautifs, mais tout de même… Je crois qu’on peut s’interroger…

[4] Oui je sais bien que c’est le prétexte classique usité par l’administration pour enfermer les gens « pas normaux » : pardon d’enfoncer des portes ouvertes, je ne veux pas vous offenser en vous rappelant les techniques de base en vigueur en vos murs, mais il faut bien que je décrive ce qui s’est passé avec un minimum de sincérité malgré la politesse.

[5] Dit plus simplement : un tissu d’inepties écrit par des ignorants (pardon mais il arrive un moment où il faut tout de même dire les choses honnêtement). En effet, quelle valeur accorder à des pensées, avis et croyances de médecins qui ignorent la particularité fondamentale la plus importante du sujet ? C’est un peu comme des informaticiens « culture Microsoft » n’ayant jamais entendu parler de l’univers Apple (au fin fond de la ruralité), incapables de trouver comment s’y prendre, et ne voyant même pas qu’ils sont face à un « Mac » (ou l’inverse), et décrétant que l’appareil ne fonctionne pas. J’ai fait beaucoup de relations (irrépressibles) entre le premier film « La Planète des Singes » et mon séjour chez vous, mais je ne devrais peut-être pas écrire cela, car ça pourrait offenser. (Il est très important de ne pas offenser des médecins français – j’ai appris ça aussi, chez vous).

[6] Pardon de le redire, mais c’est tellement incroyable pour moi… Ou alors, peut-être que c’est « normal », mais au moins, qu’on m’explique en quoi et pourquoi, non ?

[7] Après des années et des années d’efforts et de lettres, votre établissement a bien fini par m’envoyer des certificats médicaux, mais ils ne sont pas *circonstanciés* (et j’ai bien vérifié la signification de ce mot dans le dictionnaire).
Qu’on soit bien d’accord : quand je répète inlassablement que je n’ai pas reçu de certificats médicaux circonstanciés, cela ne veut pas dire que je n’ai pas reçu de certificats médicaux, mais qu’ils ne sont pas circonstanciés (avec des détails concrets et précis, pas juste des avis ou opinions – facilement pulvérisables, d’ailleurs).

[8] (J’ai expliqué cela au siège de l’OMS lors de travaux sur la dignité dans la santé mentale, et eux, en tous cas, m’ont compris et apprécié. On a même réussi à rire… mais je ne peux pas en dire plus – pour ne pas désobliger. Si vous voulez, dites-moi votre nom et je parlerai de vous au Directeur de la Santé Mentale de l’OMS, Shekhar Saxena : je crois qu’il m’aime bien ; peut-être que vos éventuels efforts pour les « malades mentaux » de votre région pourraient eux-aussi éveiller son intérêt ? A moins qu’au contraire vous ne vouliez essayer de le convaincre que je suis un « malade mental » (ou ce que vous voulez), ce qui deviendrait vraiment très intéressant, voire précieux…)

[9] En espérant que vous aurez peut-être pu apprécier la qualité de mes efforts pour ne pas vous insulter, et pour limiter à un niveau éventuellement acceptable la teneur de celles de mes remarques qui visaient à ne pas trop masquer le caractère éminemment détestable et sinistre, pour moi, de votre établissement. Avec mes excuses écœurées pour tout.

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