La « vraie vie » et la liberté au Brésil

Dans une discussion, quelqu’un m’a demandé de préciser ma pensée quand je dis qu’au Brésil j’ai découvert « la vraie vie » et la liberté.
Comme j’ai fait une réponse assez longue, je la copie ci-dessous, au cas où cela intéresserait quelqu’un.
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Bonne question en effet.
Alors disons qu’en commençant à vivre au Brésil j’ai eu *l’impression* de découvrir *la vraie vie* et la liberté, ce qui est évidemment une appréciation bien personnelle.
 
Ce que je ressens comme « la vraie vie » ici c’est tout simplement le fait de vivre dans un environnement social plus humain, plus simple, plus solidaire, où les gens sont plus humbles et accessibles, où on se casse moins la tête, où on peut vivre « comme avant en France ».
Ici personne ne me casse les pieds, personne ne me juge, ne me regarde de travers pour je ne sais quoi, les gens sont respectueux des autres (du moins si évite d’approcher les criminels dans les zones problématiques bien sûr, qui eux sont exactement le contraire de la population générale, très très gentille).
 
J’avais déjà eu cette impression de « vraie vie » en vivant pas mal de temps dans des pays d’Afrique du nord, où j’avais découvert toute la gentillesse, le côté amical, familial, la solidarité, les choses « comme ça devrait être » (ou comme c’était probablement avant dans les pays d’Europe par exemple, ce qu’on voit dans les vieux films).
La simplicité, la tranquillité. Pouvoir communiquer simplement avec son semblable, sans prises de tête à n’en plus finir, sans procès d’intentions à la moindre occasion ou même s’il ne semble y avoir aucun problème (ce qui paraît donc suspect !).
 
Au fil des décennies j’ai observé en France une lente chute vers une sorte de « psychose sociale généralisée ». Le terrorisme compte beaucoup bien sûr, tout comme ce qu’on appelle l’absence de « cohésion sociale » dans ce pays (la France) qui n’est qu’un patchwork de tout un tas de groupes qui s’ignorent et vivent chacun dans leur bulle (quand ils ne se combattent pas).
 
Je ne suis pas « religieux », mais le Brésil est un pays très catholique et je crois que ça aide beaucoup à rapprocher les gens (quelle que soit leur couleur) et à garder une certaine humilité. Peu importe la religion d’ailleurs, puisque dans les pays musulmans j’ai vu à peu près la même chose.
 
Dans les pays dits « occidentaux », c’est le règne de l’individualisme, du matérialisme, du paraître. A l’heure d’Internet
et des réseaux sociaux, chacun doit être une star. Ca existe au Brésil aussi et même dans les pays dont j’ai parlé, mais beaucoup moins. En gros il y a une sorte de « retard » par rapport à ce que j’appelle la « dénaturation » ou la « déshumanisation » de l’Homme.
 
Et concernant la liberté, eh bien, je ne sais pas comment dire, c’est le fait de pouvoir faire quasiment tout ce que je veux sans me heurter systématiquement à des murs, comme en France. En France, tout est « prévu », programmé, normé, par d’autres que toi. Tant que tu fais quelque chose « qui a déjà été prévu par un autre » (Administration…), ça va, il suffit de trouver les règles et de les suivre.
Mais si tu es un(e) original(e), ben c’est tout simplement l’enfer.
Quoique tu veuilles faire, quel que soit ton projet, si ça sort un tant soit peu « des clous », comme ils disent, ben c’est tout simplement impossible. Il y aura toujours une norme, un truc qui viendra se mettre en travers de la route.
Et sans possibilité de s’en sortir, de négocier, d’avoir une dérogation. Ca c’était possible AVANT, mettons jusqu’aux années 80, un peu 90, où il y avait encore un peu de marge de manoeuvre, où on pouvait passer un peu entre les vagues, se débrouiller…
Mais la société, en Europe, est devenue extrêmement normée. Psychose, impératif de sécurité, principe de précaution : tout ce qui n’est pas autorisé (et « prévu », donc), est interdit.
Le nombre de choses qui sont interdites (ou réglementées) en France est sidérant.
Et avec la pandémie (et la « macronisation ») ça ne s’arrange pas. C’est vraiment devenu une dictature et je ne suis pas le seul à le penser.
 
Le Brésil est un pays très bureaucratique aussi (et il y a d’autres problèmes ici) mais ça reste humain, les gens, les fonctionnaires, ont encore une possibilité de « débrayage manuel » quand visiblement les systèmes « prévus » trouvent leurs limites.
 
Je peux faire tout ce que je veux ici !
– J’ai créé la première Ambassade des autistes dans le monde, à partir de presque rien.
– Je peux aller n’importe où (hors favelas) et personne ne fait attention à moi ni ne me critique, et surtout personne ne vient me casser les pieds pour le demander je ne sais quoi (« impression d’être une mouche »).
– Je peux trouver toute la nourriture naturelle et saine facilement et pour pas cher, notamment des graines non traitées pour les faire germer (les magasins qui vendent ça sont nombreux, alors qu’en France il faut commander et c’est hors de prix).
– Je peux me balader en short quasiment toute l’année (mais bon ça c’est pas une question de civilisation mais de climat).
– Si j’ai un souci de santé (ce qui est rare puisque tout va bien tant que je ne pense pas aux problèmes administratifs français, qui continuent à vie même à distance), je peux aller dans des centres de santé gratuits et il y en a partout, c’est pas le grand luxe mais c’est gratuit et ils font leur boulot sans te considérer comme une sous-merde comme dans les hôpitaux publics en France, ici les toubibs publics sont gentils, ça change, et ça compte !
– Je peux marcher dans la rue sans être obligé de faire constamment attention à ne pas marcher dans une « déjection canine » (les gens sont très éduqués à ce sujet, et ils ramassent tous les productions de leurs nombreux chiens, alors que pour la plupart des Français c’est la honte de se baisser pour faire ça, ils regardent ailleurs et partent vite fait une fois le forfait canin accompli).
– Si je veux faire du sport, ben ya des dizaines de salles de « fitness » (de « gyms » comme on dit en anglais), et c’est vraiment pas cher (moins de 20€ par mois) et de très bonne qualité, et où là encore personne ne te regarde de travers si tu n’es pas habillé exactement comme il faudrait. Alors qu’en France, quand j’habitais Lyon j’ai essayé mais j’ai renoncé : cher, élitiste, 4 ou 5 clubs qui se courent après pour toute la ville alors qu’ici il y en a des centaines, obligé de prendre le métro et le bus pour aller dans un truc pas trop cher, où tu te sens « étranger » parce que « t’es pas du quartier » et parce que t’as pas l’âge ou je sais pas quoi…
– Bref on pourrait en rajouter, mais ce qui me fait vraiment sentir LIBRE ici c’est que je sais qu’on ne va pas m’enfermer dans un hôpital psychiatrique pour un oui ou pour un non ! (ou même parfois pour un peut-être…) Quand on a passé 15 mois enfermé en France, pour rien, sans justification, ça compte, on est prudent… Ici, aucun problème, le « système » est encore humain et les gens ont vraiment autre chose à faire que d’enfermer quelqu’un sans raison vraiment grave…
– Ah et puis j’oubliais : ici je n’entends pas « du coup » cent fois par jour !! C’est pas juste une remarque amusante : cette aberration a vraiment compté dans les motifs de mon exil pour quelques %. Mon Dieu quel soulagement quand j’y pense ! Des journées entières sans « du coup »… Que dis-je, des semaines, des mois entiers sans devoir subir cela ! Ah comme la vie est belle 🙂
 
Voilà……

P.S.

Les gens ici sont foncièrement gentils et amicaux, et très respectueux (presque tous).

Ils passent leur temps à s’excuser, par exemple s’ils passent devant toi à moins d’un mètre, c’est jamais sans s’excuser (« Com (sua) licença… ») (= « Avec votre permission… »). C’est tout comme ça. Tout le monde suit les files d’attente bien sagement. Il y a partout des caisses et des sièges préférentiels pour les personnes âgées, enceintes, avec petit enfant, handicapées, obèses ou autistes (c’est écrit !). Et on entend ça en anglais et en portugais entre chaque arrêt du métro.

Je pourrais rajouter qu’au niveau du système bancaire, c’est beaucoup plus avancé qu’en France !
Par exemple, les distributeurs (et les sites Internet des banques) sont très complets et ultra sécurisés (un peu compliqués parfois, mais très efficaces).
En France on dirait que les distributeurs n’ont presque pas changé depuis les années 80. Je crois que le plus sophistiqué en France c’est qu’on peut faire des versements en mettant des billets dans une enveloppe… Ici non, on met des billets et la machine les vérifie, les compte, et crédite ton compte immédiatement ! (Moi je ne l’ai jamais fait, j’ai peu d’argent, mais je l’ai vu faire).
Les soldes des comptes bancaires sont mis à jour une ou deux secondes après chaque opération (comme dans tous les pays que je connais sauf la France, où il faut attendre deux jours, pour la sacro-sainte « sécurité » je présume).
Je peux retirer de l’argent même sans carte, juste avec la paume de ma main !

Dans le métro, il y a Internet presque partout, on ne perd pas son temps, on peut relever ses messages, discuter etc. En France il n’y a pas d’Internet dans le métro (« pour lutter contre les trafics de drogue », m’avait-on dit il y a longtemps).
Et il y a des réseaux Internet gratuits un peu partout, et sans besoin de trucs compliqués pour s’y connecter (pas d’inscription, de mot de passe, rien).

C’est plein de petits détails comme ça. C’est pour ça que je parle de « liberté ».

Encore une chose parmi mille autres : en France j’ai habité pendant 25 ans à deux pas de l’Opéra de Lyon, et j’aurais bien voulu assister à une représentation au moins une fois, mais pas moyen : il faut prendre un abonnement annuel, et c’est cher ! C’est élitiste…
Ici, je suis allé à l’Opéra de Manaus (superbe), j’ai pu assister à un magnifique concert de musique classique, c’était un régal, et c’était gratuit pour tous ! Des gens de toutes conditions étaient là, pas juste des « catégories CSP+ » ou des comtesses à bijoux… Voilà de la belle liberté 🙂

Quand on a « vécu » dans cette « prison mentale » (et sociale !) qu’est la France pendant un demi-siècle…….

Et puis ici je n’ai jamais vu de « confinement » pour la pandémie actuelle…
Depuis très longtemps, presque tous les gens mettent des masques (sans rechigner comme en France ou en Suisse par exemple), et voilà tout.
Concernant l’efficacité des masques, c’est un autre débat, mais au moins au Brésil il n’y a pas besoin d’obliger les gens manu militari à rester chez eux comme en France parce qu’on sait très bien que le Français en général n’est pas « civique » et a horreur de suivre des directives, et fera tout pour contourner le règlement : c’est un sport national !
Ici c’est pas comme ça, les règles sont vécues « en étant suivies et pas contournées » (certains le font, bien sûr, mais ce n’est pas le réflexe général, alors qu’en France le premier réflexe, souvent, c’est de chercher comment biaiser, comment tricher, presque par jeu, par mauvaise grâce, je ne sais pas).

C’est un autre monde… La bonne volonté et la bonne foi, ça change tout.
Ca existe en France et dans tous les pays bien sûr, mais en France il faut chercher (c’est « étouffé », paralysé), alors qu’ici tout ça est naturel et omniprésent (en général).

 

Et puis ici, même en étant pauvres, les gens sont souriants et ne passent pas leur temps à se plaindre pour des détails, à être malheureux à cause de ce qu’ils n’ont pas (alors que ceux qui se plaignent ont presque tout !), ici les gens sont heureux de ce qu’ils ont. Beaucoup rêvent de l’Europe ou de « l’Amérique », comme dans la plupart des pays, mais ça c’est juste de l’ordre du fantasme, et heureusement pour eux, ils n’iront pas perdre leur vie dans ces sociétés individualistes, inhumaines, perverties, perdues.

 

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Trois petites vidéos que j’ai faites, pour illustrer un peu :
 

Evidemment ce n’est pas aussi « idyllique » pour tout le monde ici, mais bon je livre mon expérience, c’est tout…